Le siphon (fragment numéro 2)

Depuis la dernière réparation de siphon, personne n’avait vraiment pris le temps d’accéder à l’espace étroit qui se trouvait derrière le mur des toilettes des garçons. Dans cet établissement public construit dans les années quatre-vingt et fréquenté désormais par une population polychrome originaire de toutes un tas de contrées principalement ultramarines, les deux dernière décennies n’avaient été rythmée que par quelques règlements de comptes sanglants entre groupes d’individus domiciliés dans des barres d’immeubles séparées définitivement par des frontières naturelles constituées de voies rapides, de bretelles d’autoroutes ou de lignes de RER. Depuis le début du millénaire on n’avait eu à déplorer qu’une demi-douzaine de décès dont la moitié hors de l’établissement et ayant probablement été suscités par des différents liés au marketing de substance récréatives pas encore encadrées par l’industrie pharmaceutique.


L’administration en charge s’assurait que les sociétés exécutant l’entretien des locaux répondaient bien aux normes  en vigueur. On était très pointilleux sur les critères formels de réponse aux appels d’offre. Il aurait été dommageable pour le plan de carrière des cadres de passage qu’une irrégularité ne suscite l’émoi des services de l’académie. La démotivation des enseignants et la nullité crasse de nombre d’entre eux faisaient écho à l’apathie hostile des classes dans lesquels l’absentéisme endémique tempérait fort à propos le surbooking théorique.


Les ancêtres d’Aldebert d’Albry-Combert avaient combattus à la bataille de Crécy. Quelques mésalliances, quelques trahisons mal à propos et quelques aventures militaires désastreuses avaient eu raison de la fortune de ses
aïeux bien avant que les bourgeois de la révolution Française ne décide de s’immiscer radicalement dans les affaires et la démographie de l’aristocratie. Au demeurant, durant cette période troublé, un seul et unique d’Albry Combert perdit la tête sur un quiproquo scabreux qui fâchât un conventionnel influant. Le reste de la dynastie pût continuer à vivoter en toute discrétion dans leur Touraine tant chérie en attendant la Restauration. 


Le Château des d’Albry-Combert, une bâtisse délabrée flanquée de quelques pans de murs tapis à l’orée d’un village sans aucun intérêt, avait été incendié dans les années soixante-dix par un arrière-arrière grand-oncle d’Aldebert. Le triste individu avait échangé la perspective de travaux de restaurations pharaoniques en échange d’une tangible et substantielle prime d’assurance. 

Lorsque j’y suis passé, il ne restait du fier bâtiment qu’un portail prétentieux commandant bizarrement l’entrée d’un champ de maïs très en pente et atteint d’une suspecte irrégulière pelade. 


Afin de subsister Aldebert travaillait dans une société d’entretien tenue par un couple d’hommes originaires d’une province du sud du Pakistan. 

De corpulence malingre il avait conservé une allure et un visage très juvénile malgré une trentaine bien entamée. S’il n’avait arboré un uniforme vert fluo agrémentée de bandes réfléchissante et d’un gros logo « Euro-Netoinett 2000 » sérigraphié en Comic Sans mauve on aurait pu le prendre à la rigueur pour un élève de l’établissement. Dans son entreprise de nettoyage, Il était le seul employé non originaire du Pakistan et il se faisait considérablement exploiter. Pourtant Aldebert était satisfait. Il se faisait appeler Kevin et était presque certain que personne ne penserait à venir le trouver là. De toute manière il avait toujours à portée de main, dissimulé dans un petit bricolage de son chariot de ménage, un Luger P08 chambré en 9mm datant de 14/18 mais parfaitement entretenu et dument approvisionné en cartouches idoines.


En poussant son chariot en direction des cagoinces masculines, Aldebert sifflotait gaiement la chanson du générique d'un dessin animée télé eighties : Les Schtroumpfs…

Le temps de voir... (ZL/. technique mixte, ECMY 2021)

 


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